Entrevue avec Yukari Cousineau, Violon solo
Une discussion autour d’Obélix, de la musique country et des sacrifices
Ton parcours, ça ressemble à quoi?
Je suis un genre d’Obélix du violon. Je suis littéralement tombée dedans quand j’étais petite. Mon père Jean Cousineau était violoniste, compositeur et professeur. Il a fondé les Petits Violons – à la fois une école et un ensemble de jeunes violonistes – et mis au point une méthode de violon.
Il y a donc toujours eu de la musique chez nous. J’entendais mon père pratiquer tous les matins quand je me réveillais.
Toute ma jeunesse, j’attendais avec impatience les répétitions de la fin de semaine avec les Petits Violons, quand on jouait tous ensemble. J’adorais ça! Pour moi, le violon, c’était d’abord et avant tout un « trip de gang ».
Ensuite, j’ai surpris tout le monde en allant faire un DEC en lettres. Je crois que c’était un peu épeurant pour moi de changer de professeur et de philosophie en allant à l’université en violon.
C’est avec Martin Foster à l’UQÀM que j’ai trouvé le bon « fit ». Il a bien compris ma personnalité disons… hors des rangs. J’étais très tête dure, un peu cheval sauvage, même, et il m’a acceptée comme j’étais. Il n’a jamais essayé de m’enlever mon originalité, de me faire entrer dans un moule.
Après mon baccalauréat, j’ai suivi des cours privés avec Jean-Jacques Kantorow, puis je suis rentrée à l’OM en 1998. Pour moi, c’est la suite de mon apprentissage. Jouer aux côtés de Denise Lupien, apprendre à m’adapter à mes collègues, aux différents chefs d’orchestre, c’est tellement formateur!
Ta plus grande qualité? Et ton plus grand défaut?
Ma souplesse… et ma rigidité. C’est étrange, mais j’arrive à être très souple quand il s’agit de m’adapter à des gens, à des personnalités, à des styles. Mais, à certains moments, je peux être rigide. Ça doit être à cause de ma tête dure.
La bonne nouvelle, c’est que mon ratio rigidité/souplesse change avec le temps. Je reste beaucoup moins sur mes positions que quand j’étais jeune.
L’œuvre qui a fait de toi une musicienne?
La première qui me vient en tête, c’est « Le Printemps » de la Suite québécoise de mon papa. Je capotais sur cette pièce, petite. Elle me faisait vibrer!
Un moment musical qui t’a marquée?
Je garde un souvenir très vif du Divertimento de Bartok, qu’on a joué en France avec les Petits Violons. On était en feu! Sans peur et sans reproche, fonceurs, déterminés. Je ne pensais jamais revivre un tel sentiment, puis la tournée européenne de l’OM est arrivée… et c’était exactement pareil!
Le plus beau concert auquel tu as assisté?
Les King’s Singers. Ils ont commencé à chanter et je me suis tout de suite mise à pleurer. Je n’ai pas été capable de m’arrêter jusqu’à la fin du concert.
Si tu n’étais pas musicienne, qu’est-ce que tu ferais?
Je serais probablement allée en sports. J’avais de bonnes aptitudes, mais je n’ai pas pu continuer car il y avait trop de risque de me casser un poignet ou un doigt.
En quoi excelles-tu?
Je peux crier très fort et très longtemps. Et j’ai déjà entraîné tout un orchestre à faire une chorégraphie, y compris Yannick! C’est tout un exploit!
Un sacrifice que tu as fait ou que tu as refusé de faire pour la musique?
C’est assez paradoxal. J’ai sacrifié ma liberté pour être disciplinée et constante, surtout dans ma jeunesse. Quand les autres faisaient le party, je pratiquais.
Mais d’un autre côté, je refuse de sacrifier ma liberté comme interprète. Je joue de la façon dont la musique me fait vibrer. Toujours.
Quelle relation entretiens-tu avec ton instrument?
J’avais une relation amour-haine avec mon ancien violon. Je l’adorais, mais il ne me convenait pas, donc je finissais mes pratiques frustrée. Ça a atteint un degré tellement intense que j’ai décidé de changer d’instrument pour me joindre aux altos! Cette période de cinq ans m’a permis de faire la paix avec le violon… et de m’en acheter un nouveau.
À quoi penses-tu sur scène, pendant un concert?
À un milliard de choses! Il y a à la fois plein de détails techniques, l’œuvre, l’émotion, mes collègues, le chef… Mais pendant que tout ça se déroule, ça arrive que je réalise que j’ai oublié d’acheter du brocoli. C’est fou!
Une qualité essentielle pour être une bonne musicienne?
L’émotion. On peut être un bon technicien, un bon instrumentiste, mais il faut avoir quelque chose à dire au niveau émotif pour être musicien.
Si tu devais écouter une seule œuvre pour le reste de tes jours, laquelle choisirais-tu?
L’octuor de Mendelssohn. C’est ma musique d’île déserte.
Sur ta playlist, il y a quoi?
Il y a du rock, du pop, ça va de 1940 à nos jours. Et, je l’avoue, j’ai un faible pour le country. J’ai découvert Orville Peck, un chanteur que je trouve vraiment génial.
Mais pour moi, le disque ultime, c’est Les King’s Singers chantent les Beatles.
Une chanson qui te fait chanter ou danser à tout coup?
Les chemins d’été! Dans ma camaro, je t’emmènerai sur tous les chemins d’été…