Variations sur un thème rococo

Piotr Ilitch TCHAÏKOVSKI

1840-1893

L’année 1877 s’inscrit dans une période faste et riche en émotions de la vie de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Après avoir fait paraître en quelques années ses Deuxième et Troisième Symphonies, son Premier Concerto pour piano, Le lac des cygnes, La tempête ainsi que plusieurs œuvres de chambre, voilà qu’il crée sa Quatrième Symphonie et ses Variations sur un thème rococo. De plus, il peut désormais compter sur l’appui financier substantiel de Nadejda von Meck, une mécène et grande admiratrice qui lui versera une pension pendant près de 14 ans. Sur le plan personnel toutefois, la situation n’est pas aussi heureuse. Après avoir soumis une première version de ses Variations rococo au violoncelliste Wilhelm Fitzenhagen, qui en avait fait la commande, Tchaïkovski connaît l’un des épisodes les plus sombres de son existence : cherchant à se « guérir » de son homosexualité, il épouse l’une de ses anciennes élèves. L’union est un échec et le compositeur tente de se suicider deux mois plus tard dans la rivière Moskova où il se jette en espérant contracter une pneumonie fatale.  

Tchaïkovski survit, mais non sans y laisser quelques plumes. Cet événement dramatique le détourne de sa nouvelle partition et le compositeur n’est donc pas témoin des multiples changements qui y sont apportés. En effet, Fitzenhagen décide de remanier la partition, allant jusqu’à l’amputer de l’une de ses variations, avant de la faire éditer avec ses propres modifications. Étrangement, Tchaïkovski, qui quelques années plus tôt déclarait « Je ne changerai pas une seule note! » face aux critiques formulées à l’endroit de son Concerto pour piano no 1, finit par accepter – non sans réserve – le sort destiné à ses Variations. Après sa création, il faudra attendre 1941 avant que l’œuvre ne soit à nouveau présentée dans la version originale du compositeur. De nos jours, la majorité des interprètes adoptent la version de Fitzenhagen, mais de plus en plus de violoncellistes choisissent la partition originale de Tchaïkovski, comme c’est le cas de Bryan Cheng à l’occasion de ce concert. 

Dans ses Variations rococo, Tchaïkovski rend hommage au XVIIIe siècle avec grâce et légèreté, rappelant le style mozartien. Les variations qui suivent l’exposition du thème galant se déploient tout en contraste : les paires font montre de virtuosité alors que les impaires sont plutôt mélancoliques, mais toutes sont caractérisées par le profond lyrisme propre au compositeur.