Symphonie n° 9 « La Grande»
Franz SCHUBERT
1797-1828
Fortement impressionné par l’audition de la Neuvième Symphonie de Beethoven (voir encadré), créée l’année précédente, Schubert aurait voulu lui aussi écrire une œuvre symphonique de grande envergure. Malheureusement, il n’entendit jamais cette ultime symphonie, les membres de la Société des amis de la musique de Vienne l’ayant jugée trop longue et trop ardue pour la programmer. Il fallut attendre dix ans, à l’occasion d’une visite que Robert Schumann fit au frère du compositeur, pour que la symphonie refasse surface. Schumann en remit la partition à Mendelssohn, qui la dirigea dans une version abrégée à Leipzig. À cette occasion, Schumann écrivit dans le Neue Zeitschrift für Musik un article fort élogieux devenu célèbre, où il parle des « célestes longueurs » de cette symphonie. L’œuvre frappe par sa majesté, l’abondance de ses idées musicales, ainsi que par la richesse de son orchestration, d’où son surnom Die Große (« La Grande »).
« La symphonie a produit parmi nous un effet que n’a atteint aucune autre depuis celles de Beethoven… ».— Robert Schumann
Le premier mouvement commence par une introduction lente : un thème noble et chaleureux énoncé par le cor et repris par les bois qui servira d’édifice à tout le mouvement. Un grand crescendo aboutit à l’Allegro de forme sonate* constitué de deux idées contrastantes, la première très énergique, la seconde plus nostalgique, en mineur. Ces deux idées sont considérablement développées dans une grande richesse harmonique et tonale. À la fin, un mouvement plus vif ramène le motif initial, qui éclate dans toute sa splendeur.
Le second mouvement est un Andante con moto aux allures de marche, dont Schumann soulignait la « voix si touchante » avec laquelle Schubert parle au public. Le thème, tout d’abord confié au hautbois, s’amplifie peu à peu pour éclater avec toute la puissance de l’orchestre. Une deuxième idée, plus lyrique et enveloppante, est ensuite développée. Un appel lointain des cors annonce le retour du thème principal, cette fois-ci accompagné de divers contre-chants. Une surprenante conclusion, où sont présents les deux thèmes principaux, vient clore ce mouvement d’une grande force émotive.
Le mouvement suivant est un Scherzo*. Assez robuste et exubérant, son écriture ingénieuse entraîne irrésistiblement le public dans la danse. Ce caractère dansant est encore plus présent dans la section centrale (trio), pleine de charme, qui prend l’aspect d’un Ländler, une danse traditionnelle d’Autriche ancêtre de la valse.
Le grandiose final de la symphonie frappe par son côté trépidant et épique. Palpitant, l’orchestre semble animé d’un souffle de vie irrésistible. Le mouvement foisonne de thèmes développés avec énormément d’ingéniosité, incluant une citation de l’Ode à la joie de Beethoven, l’idole du compositeur, et s’aventure dans les tonalités les plus inattendues. Cette joie omniprésente et ce tournoiement d’idées mènent le mouvement à une conclusion triomphale. En signant ce chef-d’œuvre, Schubert fait ses adieux à la symphonie, tout en inaugurant une ère nouvelle dans le domaine de la composition, ouvrant notamment la voie aux grandes symphonies d’un autre géant, Anton Bruckner.
François Zeitouni