Symphonie nᵒ 5 en mi bémol majeur
Sibelius
1865 – 1957
« Pour moi, l’aspect crucial de son œuvre réside dans sa conception de la continuité. » – Magnus Lindberg
Né à Hämeenlinna, en Finlande, en 1865, Jean Sibelius est initié à la musique par un oncle, qui lui procure son premier violon. Après avoir abandonné des études de droit, il entre à l’Institut de musique d’Helsinki, puis se perfectionne à Berlin et à Vienne, où il entend notamment Bruckner et Dvořák. En 1893, il est nommé professeur de violon et de théorie au Conservatoire d’Helsinki, ce qui ne l’empêche pas de faire quelques tournées, dont une aux États-Unis. Il cessera toutefois ses activités en 1929, s’imposant un silence quasi complet d’une trentaine d’années jusqu’à sa mort en 1957.
Comme beaucoup de ses premières œuvres symphoniques illustrent quelques mythologies finlandaises, Sibelius fait vite figure de musicien national et « sa musique prend valeur d’acte patriotique en cette période troublée de l’histoire de son pays » (François-René Tranchefort) – la Finlande, en effet, obtient à l’époque, non sans combattre, son indépendance de la Russie. Sibelius n’est cependant pas pour autant un musicien « folkloriste », et son style bientôt s’internationalise, influencé tant par les postromantiques allemands que par Debussy. Retiré dans sa villa à Järvenpää depuis 1904 et pensionné par l’État, il construit en effet une œuvre hautement originale, qui « révèle comme une angoisse de la “musique pure” ».
Créée dans sa première version le 8 décembre 1915, mais véritablement parachevée quatre ans plus tard, la Cinquième, « ensoleillée et marquée par une nette volonté de puissance », est « la plus beethovenienne » (Marc Vignal) de ses sept Symphonies. Son premier mouvement, d’une grande originalité, se base sur quatre éléments thématiques, les premiers pris en charge par les bois. À leur entrée, les cordes servent de soutien, avant de déferler en rafales. Changements de tempo, couleurs affirmées, sommets d’intensité, tout converge vers une énergique coda sur un infatigable rythme ternaire de plus en plus rapide. L’Andante qui suit est tout de légèreté, avec son thème en pizzicatos, repris par les flûtes, et ses développements radieux, malgré les frottements harmoniques des tenues en couches superposées des vents et un court épisode plus méditatif. L’Allegro molto final superpose deux thèmes, le premier, frénétique, aux cordes épaulées par les bois, et le second, posé et majestueux, aux cuivres. Puis, le tout ralentit en un passage plus lyrique, avant d’augmenter en puissance et de se conclure par six vigoureux accords coulés dans le silence…
© François Filiatrault 2022