Baden-Baden : une première impression éclatante

Yannick Nézet-Séguin rêvait depuis longtemps de présenter sa famille montréalaise au public de Baden-Baden. Directeur artistique du festival La Capitale d’été depuis plusieurs années, il y a dirigé tous les orchestres qu’il mène à travers le monde.
Ne manquait plus que les présentations avec l’Orchestre Métropolitain, et elles n’ont pas déçu : les concerts des 28 et 29 juin ont été couronnés par des ovations debout.
Dès les premières mesures du concert du samedi, l’impact fut saisissant. Dans La Valse de Ravel, l’orchestre a donné toute la mesure de sa puissance expressive, les percussions atteignant des sommets de tension lors des passages les plus tumultueux. Les nuances forte semblaient vouloir faire trembler la salle entière. En contraste, l’œuvre méditative Eko-Bmijwang de Barbara Assiginaak a apporté un apaisement bienvenu, comme une respiration salutaire après la tempête.
Le pianiste Alexandre Kantorow, fidèle à sa réputation bâtie tout au long de la tournée, a de nouveau captivé le public par son jeu à la fois flamboyant et maîtrisé. Et, comme à chacun des concerts précédents, il a offert un rappel… mais cette fois avec une surprise de taille : Yannick Nézet-Séguin l’a rejoint au piano pour une délicate Berceuse, tirée de la Suite Dolly de Fauré. Un moment d’une rare tendresse, salué par l’émotion palpable dans la salle.
En deuxième partie, la Symphonie no 2 de Sibelius – choisie ici à la place de la « Pathétique » de Tchaïkovski – a résonné avec une intensité particulière dans cette ville nichée au creux de la Forêt-Noire. Ses élans lyriques et ses paysages sonores semblaient faire écho à ceux de la nature environnante, concluant la tournée symphonique sur une note à la fois puissante et poétique.
Un gala d’opéra sous le signe de la versatilité
Le lendemain, l’OM s’est transformé pour une toute autre aventure : un gala d’opéra aux côtés de la soprano américaine Lisette Oropesa. Véritable caméléon vocal, la cantatrice a brillamment interprété un programme d’une diversité impressionnante. D’airs lyriques tels que « Dove sono » (Les Noces de Figaro), « Adieu, notre petite table » (Manon) et « Sempre libera » (La Traviata), elle est passée à des pièces plus légères comme « Je veux vivre » (Roméo et Juliette) ou « Chi il bel sogno di Doretta » (La Rondine), démontrant une aisance éblouissante dans chaque registre.
L’orchestre aussi a révélé toute l’étendue de sa palette expressive, passant de Mozart à Gounod, de Puccini à Massenet avec une élégance et une souplesse remarquables. Yannick Nézet-Séguin a pris la parole pour souligner devant le public la difficulté de jouer tant de styles en un seul programme — et l’adresse exceptionnelle avec laquelle ses musiciens s’y sont prêtés.
Il a également révélé un détail touchant : durant la Méditation de Thaïs, les musiciens de l’OM ont chanté bouche fermée, remplaçant le chœur normalement requis, ajoutant un geste d’une grande sensibilité à une œuvre déjà poignante.
Ces deux soirées auront scellé de manière éclatante la première visite de l’OM à Baden-Baden. Deux concerts, deux visages de l’orchestre : celui d’un ensemble symphonique fougueux, et celui d’un accompagnateur d’opéra nuancé et souple. Une conclusion à la hauteur d’une tournée européenne inoubliable.