Unearth, Release, Concerto pour alto
Julia ADOLPHE
1988
Julia Adolphe compose son concerto pour alto dès l’âge de 28 ans, à la suite d’une commande conjointe de la Ligue des orchestres américains et de l’Orchestre philharmonique de New York. C’est dans cette ville – qui est aussi sa ville de naissance – que l’œuvre est créée le 17 novembre 2016, plus d’un an après le début du projet, par l’alto solo du NY Phil, Cynthia Phelps.
Il s’agit alors du tout premier opus de la compositrice achevé en dehors des murs de l’école de musique Thornton de l’Université de Californie du Sud. Pour ce faire, elle commence non pas par écrire des notes, mais par dresser une liste de mots indiquant l’émotion qu’elle souhaite suggérer. « Ils vont de “claustrophobe, contagieux, cyclique, vif, ardent”, au début, à “respirations profondes, paix et calme” à la fin. C’est peut-être mon expérience du théâtre, mais j’ai tendance à penser les musiciens d’orchestre comme des personnages qui ont leurs propres intentions, et à tracer un arc narratif pour eux », précise-t-elle dans une entrevue publiée dans le New Yorker.
C’est donc tout un jeu d’ombre et de lumière qui s’opère ici. Le premier mouvement, « Captive Voices » (Voix captives), nous plonge d’emblée dans une atmosphère mystérieuse marquée par des séries de demi-tons exécutés simultanément par plusieurs familles d’instruments. Adolphe fait ressortir distinctement l’alto solo par une ligne virtuose faite de larges intervalles et par des dynamiques fortes.
« Surface Tension » (Tension de surface) recourt à des contrastes similaires entre, d’une part, des motifs aux notes très rapprochées et, d’autre part, de grands écarts. La compositrice y ajoute des effets notables de ricochets. Ainsi, chaque section de l’orchestre provoque une sorte d’impact sonore comme pour mieux maintenir la tension harmonique.
Le dernier mouvement, « Embracing Mist » (Embrassant la brume), enveloppe l’auditeur d’une brume vaporeuse, faisant écho à l’ambiance initiale de ce concerto. Le fait que les notes soient liées contribue à l’élasticité du rythme et au calme qu’Adolphe cherche à restaurer. La compositrice offre ici un accompagnement orchestral plus dépouillé et un jeu de textures qui inclut l’alternance entre cordes vibrées et cordes pincées, des effets avec ou sans sourdine ainsi qu’un placement de la première trompette en coulisses afin de recréer une voix surréelle. Une riche section de percussions, notamment avec brosse métallique et vibraphone, accentue encore le mystère mis en musique.
« D’une certaine manière, l’histoire que j’ai écrite – celle de l’alto qui commence à s’enchevêtrer dans l’orchestre et qui affirme ensuite son identité expressive – est aussi ma propre histoire. J’ai trouvé ma propre voix au cours de l’année de composition. » — Julia Adolphe
© Justin Bernard