Symphonie nᵒ 7 « Leningrad »

Chostakovitch

1906 – 1975

L’œuvre symphonique de Chostakovitch arrive à son apogée dans un moment tragique de l’histoire européenne. Entre l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 et la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, le compositeur russe écrit pas moins de 6 symphonies, et ce malgré un contexte de composition particulièrement difficile.  Les pressions ne viennent pas seulement de l’extérieur, avec l’avancée de l’armée nazie vers l’est, mais aussi de l’intérieur, avec la censure exercée par le régime soviétique. À bien des égards, la Symphonie no 7 est à la fois un refuge contre toutes les souffrances vécues en raison de la guerre et de la dictature et un acte admirable de résistance.   « J’ai songé à la grandeur de notre peuple, à son héroïsme, aux merveilleuses idées humanistes, aux valeurs humaines, à notre nature superbe, à l’humanité, à la beauté. Je dédie ma septième symphonie à notre combat contre le fascisme, à notre victoire inéluctable sur l’ennemi et à Leningrad, ma ville natale »   - Dmitri Chostakovitch   La symphonie est créée par l’Orchestre du Théâtre du Bolchoï à Kouïbychev en mars 1942, quelques mois après que Chostakovitch, sa famille et des milliers d’autres citoyens aient été évacués de Leningrad en raison de la progression des troupes nazies. S’ensuivent des représentations dans plusieurs autres villes, mais la plus marquante demeure celle du 9 août, à Leningrad.   La ville étant assiégée, les musiciens survivants de l’Orchestre symphonique de la Radio de Leningrad qui se rassemblent pour ce concert sont affamés, tout comme leur public. Ils ont perdu de nombreux collègues depuis le début du siège – des chaises vides sont placées dans l’orchestre pour leur rendre hommage – et doivent recruter des surnuméraires parmi les soldats russes pour combler les effectifs. Ce concert revêt pour eux et pour toute la ville une importance cruciale.  La musique de Chostakovitch devient une arme psychologique. Elle sert non seulement à remonter le moral des troupes et des citoyens de Leningrad, mais également à miner celui des soldats allemands. En effet, le concert est diffusé par des haut-parleurs installés en direction des lignes ennemies, en faisant l’une des plus importantes représentations artistiques de la Deuxième Guerre mondiale.   La Symphonie Leningrad fait rapidement le tour du monde. Transmise sur microfilms par camion, puis en bateau, elle parvient à l’Ouest. Elle est créée à Londres, d’abord, puis plusieurs orchestres des États-Unis se disputent le privilège d’obtenir la première américaine. Celle-ci aura finalement lieu à New York le 19 juin 1942. Le lendemain, Chostakovitch est en une du célèbre magazine Time.  Guerre et paix en musique  La symphonie Leningrad débute par un thème énergique et vigoureux, sur un rythme de marche qu’on peut associer à l’invasion étrangère. Peu à peu, la musique s’assombrit et résonne désormais comme une marche funèbre.  Le deuxième mouvement est un interlude lyrique, doux, comme une pause au milieu du drame. Le climat de guerre réapparaît progressivement dans le troisième mouvement mais, pour reprendre les termes du musicologue André Lishké, les forces de l’envahisseur font maintenant face au peuple en lutte.  Le dernier mouvement, triomphal, est un appel à la victoire et une défiance ouverte contre l’ennemi, même si sa section centrale conserve un aspect plutôt funèbre.  « La plupart de mes symphonies sont des monuments funéraires. Trop de gens chez nous ont péri on ne sait où, et nul ne sait où ils sont enterrés. Où peut-on leur ériger un monument ? Seule la musique peut le faire. »  - Dmitri Chostakovitch 

©Justin Bernard