Symphonie nᵒ 1

Chevalier de Saint-George

1745 – 1799

Né en Guadeloupe d’un père de petite noblesse et d’une servante originaire du Sénégal, Joseph Bologne (ou Boulogne) de Saint-George débarque en France avec ses parents vers 1749 – les dates de sa jeunesse sont incertaines. Il y reçoit une éducation de gentilhomme sous le parrainage de Nicolas Texier de La Boëssière, qui lui enseigne les lettres et le métier des armes, faisant de lui un bretteur redoutable. Il intègre alors une compagnie de Gardes du roi et on le désignera bientôt comme le chevalier de Saint-George. Le jeune homme est également passionné de musique et prend, probablement avec Pierre Gaviniès, des cours de violon, instrument qu’il maîtrisera à la perfection, tout en étudiant la composition avec François-Joseph Gossec, pionnier en France de la symphonie.

Gossec dirige Le Concert des Amateurs, le meilleur orchestre de la capitale, et engage Saint-George comme premier violon en 1772, avant de se retirer et de lui en confier les rênes un an plus tard. C’est à cette époque que notre chevalier fait une brève incursion dans le domaine lyrique, mais sans beaucoup de succès. En 1781, à la dissolution du Concert des Amateurs, il fonde et dirige le Concert de la loge olympique – il est franc-maçon –, qui commandera à Haydn ses Symphonies « parisiennes ». Bien que protégé par le duc d’Orléans et autres hauts personnages, Saint- George eut à subir certaines discriminations; il ne put, par exemple, prendre part à la direction de l’Opéra à la suite d’une cabale fomentée par quelques chanteuses de l’institution, réticentes à se faire diriger par un homme de couleur. En 1789, Saint- George prendra fait et cause pour les idées révolutionnaires et s’engagera dans l’armée de la jeune République.

À part quelques oeuvres vocales, romances et airs pour des opéras-comiques, Saint- George laisse une dizaine de concertos pour violon, des symphonies concertantes pour deux violons et en deux mouvements, genre très populaire en ce temps-là à Paris, des sonates pour violon, des quatuors à cordes et deux symphonies. Partout, constate Michelle Garnier-Butel, « son écriture allie une virtuosité élégante à la simplicité et au charme de la ligne mélodique ».

Ses deux Symphonies opus 11, publiées en 1779 par La Chevardière, relèvent du jeune style classique, devenu « international » sous l’influence notamment des maîtres de Mannheim, de Johann Christian Bach et du premier Haydn, musiciens dont les Parisiens pouvaient entendre les compositions au Concert spirituel. Leur orchestration pour cordes, deux hautbois et deux cors, issue des ouvertures d’opéras chez les Italiens, est courante à l’époque – c’est celle des premières symphonies de Haydn et de Mozart. La Symphonie nᵒ 1 en sol majeur de Saint-George présente deux Allegros de forme sonate déliés et pleins de séduction. En guise de mouvement lent central, les Français délaissent souvent l’adagio à l’italienne pour la romance, dérivée des airs sentimentaux alors très en vogue. Gossec venait de l’introduire dans la symphonie et Saint-George suit ici son exemple. Musique légère au meilleur sens du terme, l’oeuvre de Saint-George reste un brillant spécimen de la symphonie française du second XVIIIe siècle.

© François Filiatrault