La valse
Maurice Ravel
1875-1937
L’idée du poème chorégraphique La Valse remonte à 1906. Maurice Ravel, de concert avec le directeur des Ballets russes Serge de Diaghilev, souhaitait composer une Apothéose de la valse, sorte d’hommage à Johann Strauss fils et aux fastes de la Vienne impériale, qu’il aurait intitulée Wien. D’autres projets et le déclenchement de la Grande Guerre – lors de laquelle il servit brièvement – reportèrent le projet à 1919. Entretemps, la barbarie s’était emparée de l’Europe et l’avait dévastée, si bien que c’est la décadence d’un monde révolu que le compositeur allait dépeindre dans cette pièce. Lorsque Ravel joue La Valse au piano pour la première fois devant Diaghilev, celui-ci la rejette : « Ravel, c’est un chef-d’œuvre, mais ce n’est pas un ballet. C’est la peinture d’un ballet! », aurait commenté le célèbre impresario des Ballets russes. Elle est donnée en première exécution à Vienne en octobre 1920, dans une version pour deux pianos par Ravel et son ami Alfredo Casella. Deux mois plus tard, la version orchestrale est créée à Paris et ne sera dansée pour la première fois qu’en 1926.
L’œuvre débute de manière mystérieuse et évolue comme un grand crescendo en deux parties. Ravel note dans la partition : « Des nuées tourbillonnantes laissent entrevoir, par éclaircies, des couples de valseurs. Elles se dissipent peu à peu : on distingue une immense salle peuplée d’une foule tournoyante. La scène s’éclaire progressivement. La lumière des lustres éclate au fortissimo. Une Cour impériale, vers 1855. » C’est dans un « tournoiement fantastique et fatal » (Ravel) que la pièce s’achève, à l’image du monde qui va disparaître à tout jamais avec les horreurs de la guerre. Mêlant sensualité et virtuosité, La Valse s’est imposée comme une œuvre orchestrale incontournable du XXe siècle, témoignant de manière éclatante du génial magicien des sons que fut son auteur.
© François Filiatrault