Knoxville : Summer of 1915

Barber

1910 – 1981

« Je me rappelle avoir composé Knoxville en quelques jours… L’œuvre dépeint la solitude d’un jeune garçon, son regard sur les choses et les gens ainsi que sa fragile identité, entre le crépuscule et le coucher. » – Samuel Barber

Né en 1910 à West Chester, en Pennsylvanie, dans un milieu aisé, Samuel Barber est tout jeune fasciné par l’art d’une tante maternelle, contralto au Metropolitan Opera, et le mari de celle-ci, compositeur de mélodies, lui prodiguera longtemps de précieux conseils. Très doué, et après une formation privée de pianiste et d’organiste, il étudie au Curtis Institute de Philadelphie de 1924 à 1932, où il récolte ses premiers succès de composition. Bénéficiaire du Prix de Rome américain, il effectue un premier séjour en Europe au milieu des années 1930 et se familiarise avec les courants les plus modernes. Mais « sa musique n’en conservera pas moins une dimension fondamentalement classique, qu’il voulait au service de l’expression la plus directe » (Alain Poirier).

En 1947, à la suite d’une commande de la soprano Eleanor Steber, Barber compose sa « rhapsodie lyrique » Knoxville: Summer of 1915, sur des extraits d’un poème en prose de James Agee (1909-1955). Rédigé en 1938, le texte relate les impressions d’un jeune garçon – l’auteur lui-même –, déjà bien réfléchi pour son âge, lors d’une soirée d’été à Knoxville, au Tennessee, à l’aube du XXe siècle. Dans un climat doucement nostalgique, l’enfant se rappelle les images, les bruits et les odeurs, évoque les membres de sa famille et son sentiment de solitude – Agee perdra son père un an plus tard, son existence en sera bouleversée et il fera plus tard du texte le préambule de son roman A Death in the Family, paru en 1957.

Si l’on en juge par la qualité de sa composition, Barber fut très touché par la teneur et la puissance évocatrice du poème d’Agee. Dans des sonorités luxuriantes où les vents ont la part belle, il rend à merveille la rêverie du souvenir, ménageant les images musicales qui lui donnent vie : la nuit qui s’installe, l’atmosphère feutrée d’un crépuscule d’été, les conversations à mi-voix, le tramway qui passe, avec ses bruits, ses lumières, ses mouvements et l’étincelle qui crépite pour le faire avancer. Plus loin, quand le texte parle du père, la musique entrevoit brièvement sa mort imminente, avant que la dernière réflexion de l’enfant sur son identité ne conclue le tout dans le climat onirique initial.

© François Filiatrault 2023