Idomeneo, musique de ballet (extraits)

Mozart

1756 – 1791

« Le troisième acte n’est pas tout à fait terminé, et comme il n’y a pas de ballet séparé mais uniquement un divertissement faisant corps avec l’opéra, j’aurai l’honneur d’en composer également la musique. » – Wolfgang Amadeus Mozart, Correspondance, 30 décembre 1780

En 1780, Mozart est tout heureux de recevoir la commande d’un opera seria pour l’électeur de Bavière. Ce sera Idoménée, roi de Crête. Grand genre par excellence depuis plusieurs décennies, l’opera seria, ou sérieux, proposait des intrigues complexes tirées de l’histoire antique opposant amour, devoir, fidélité, trahison, en une suite de récitatifs et d’arias qu’on jugeait dorénavant trop statique. Dans un esprit de réforme, Mozart insiste auprès de son librettiste, Giambattista Varesco, pour que la trame dramatique soit plus intégrée et les formes vocales plus variées, à la manière des maîtres français, qu’il apprécie « non pas pour leurs mélodies, mais pour leurs effets dramatiques ».

Dans les tragédies lyriques et autres œuvres scéniques des Français, les « divertissements », avec danses et chœurs, étaient intégrés à la trame et non relégués aux entractes, comme chez les Italiens. Mozart devra donc composer un ballet final, qui célèbrera, fin heureuse du drame, les noces d’Idamante, successeur de son père Idoménée sur le trône de Crête, et de la princesse troyenne Ilia. Somptueusement écrit dans un rutilant majeur, il met magnifiquement en valeur l’orchestre de l’électeur, un des meilleurs d’Europe, dirigé par Christian Cannabich.

Le premier mouvement de ce ballet consiste en une vaste et brillante chaconne, danse obligée des scènes françaises depuis un siècle. Dans le climat de grandeur qui s’y rattache, Mozart traite la forme très librement, dans l’esprit d’un rondeau. Tout le corps de ballet danse durant le refrain, tandis que les couplets laissent place à des pas seuls et des pas de deux confiés à M. Le Grand, Mme Hartig, M. Antoine et Mlle Falgera. Ces couplets proposent une grande diversité de climats, certains sont en si et en mineur, et dans le Larghetto central, « les cordes dans le grave distillent une tendresse rêveuse » (Isabelle Rouart). Le Pas seul de M. Le Grand s’enchaîne, dont les quatre sections contrastées sont de plus en plus rapides, jusqu’au retour de l’énergique Chaconne initiale et du ballet général.

Bien qu’Idoménée soit le premier des grands opéras de la maturité de Mozart, montrant cette profondeur de sentiment unique à son auteur, son ballet conclusif se présente comme « une musique de danse, d’un agrément sans retenue, qui renvoie ce chef-d’œuvre à ses origines : le spectacle de cour qu’était la tragédie lyrique » (Julian Rushton).

© François Filiatrault 2023