Concerto pour piano

Lūcija Garūta

1902 – 1977

 

Après avoir mis en musique les frasques d’un apprenti maladroit, Paul Dukas a pris le rôle du maître en devenant enseignant à L’École normale de musique de Paris. Parmi ses nombreux étudiants, une jeune lettone s’illustre : Lūcija Garūta.  

Ayant quitté Riga alors qu’elle y menait déjà une belle carrière de pianiste, Garūta y revient forte de ce qu’elle a appris à Paris et se met rapidement à la composition, tout en occupant un poste dans l’enseignement. 

Son Concerto pour piano, écrit en 1951 et orchestré en 1955, est dédié à la mémoire de sa nièce Lailiņa, morte à l’âge de 12 ans des suites d’une maladie cardiaque. La deuxième partie du concerto est d’ailleurs sous-titrée In memoriam. Lorsque Garūta le soumet au conseil de l’Union des compositeurs de la Lettonie soviétique pour une première fois, l’œuvre est mal accueillie. Le conseil affirme qu’elle cultive des sentiments subjectifs et tragiques qui ne sont utiles à personne. Garūta retravaille donc son concerto avec patience et le soumet à une seconde évaluation. Cette fois, c’est un triomphe. L’Union déclare qu’il s’agit de l’un des concertos pour piano les plus réussis de la Lettonie soviétique.  

Lors de sa création à la radio en 1952, le concerto remporte un vif succès. D’un romantisme assumé, le premier mouvement est empreint de drame et de désespoir, mais également d’énergie dans une lutte contre l’adversité. On y décèle même une certaine parenté avec Rachmaninov, dans sa passion emportée. Le deuxième thème musical semble constituer une réflexion plus légère et rappelle les souvenirs de la petite Lailiņa.   

Le deuxième mouvement consiste quant à lui en une série de variations sur deux chansons folkloriques funéraires lettones. Le ton est empreint d’une tristesse douloureuse et comporte des épisodes proprement déchirants, mais on y trouve aussi des instants tout à fait lumineux. La flûte, au début de la deuxième section, semble planer au-dessus de la nature et de la vie avec douceur et tendresse.  

Le troisième mouvement s’ouvre par une sorte de choral solennel, mais l’atmosphère change du tout au tout dès l’entrée enjouée et espiègle du piano, comme une réminiscence de souvenirs rieurs de la fillette disparue. Ce matériau provient d’ailleurs d’œuvres écrites à une période plus sereine de la vie de Garūta, alors que la petite Lailiņa lui offrait des bouquets de fleurs au printemps. La cadence du soliste se révèle plus introspective, mais la conclusion du concerto affirme avec force une grande volonté de vivre et témoigne du riche pouvoir de la mémoire.