La Symphonie no 6 occupe une place à part dans l’ensemble des symphonies de Beethoven. Il s’agit de la seule dotée d’un programme explicite, Beethoven allant même jusqu’à fournir un sous-titre à chacun des mouvements afin de mieux guider l’auditeur, geste très rare chez celui qui était plutôt réfractaire à toute musique à programme*. C’est le compositeur lui-même qui lui donne le surnom de « Pastorale ».
Beethoven n’est certes pas le premier à composer de la musique inspirée par la nature. Mais, contrairement à d’autres, il ne cherche pas à imiter cette dernière de façon littérale, avec des reproductions de chants d’oiseaux par exemple, ou à décrire des paysages précis. « La « Pastorale » n’est pas un tableau; on y trouve exprimées, en nuances particulières, les impressions que l’homme peut ressentir à la campagne », écrit-il en 1808. D’ailleurs, le manuscrit envoyé à son éditeur porte le titre de « Symphonie Pastorale, ou Souvenir de la vie rustique, plutôt émotion exprimée que peinture descriptive ».
L’amour qu’éprouve Beethoven pour la nature est profond et sincère. Chaque été, il se retire dans de petits villages boisés aux alentours de Vienne où il profite de longues promenades.
« Quel plaisir de pouvoir errer dans les bois, les forêts, parmi les arbres, les herbes, les rochers. Personne ne saurait aimer la campagne comme moi. Les forêts, les arbres, les rochers nous rendent en effet l’écho désiré. »
– Ludwig van Beethoven
Beethoven travaille sur cette symphonie de 1805 à 1808, parallèlement à la Symphonie no 5. On ne peut toutefois pas imaginer deux œuvres plus opposées l’une à l’autre : la Cinquième incarne l’être humain qui lutte contre son destin, tandis que la Sixième évoque plutôt son épanouissement au sein de son élément naturel, la nature.
En effet, la « Pastorale » est la plus sereine et la plus détendue des neuf symphonies. Plusieurs éléments contribuent à ce sentiment : l’absence de tension harmonique ou rythmique, des changements de tonalité très lents et progressifs, la répétition inlassable des mêmes motifs rythmiques et mélodiques, l’utilisation de la tonalité majeure* – à l’exception du passage de l’orage.
La « Pastorale » est la seule des neuf symphonies qui comporte cinq mouvements, les trois derniers étant enchaînés les uns à la suite des autres, sans interruption. Pour chacun de ces mouvements, Beethoven fait appel à une orchestration adaptée. Le piccolo et les timbales n’apparaissent que dans l’orage, les trompettes interviennent à partir du troisième mouvement, les trombones ne sont présents que dans les quatrième et cinquième mouvements… Tout est taillé sur mesure pour créer une atmosphère précise.
Les répétitions abondent dans l’Allegro ma non troppo, notamment la répétition du motif rythmique issu du premier thème. Les multiples redites renforcent le sentiment d’immobilisme, de tranquilité, tandis que les longues notes soutenues dans les basses contribuent à l’impression de calme et de sérénité.
L’Andante molto mosso, avec ses murmures de ruisseau évoqués par les motifs ondulants des cordes, est le plus long mouvement de la symphonie. Le passage le plus descriptif se trouve à la toute fin, alors que les instruments imitent sans équivoque différents chants d’oiseaux. Beethoven a d’ailleurs précisé les noms des oiseaux en question sur la partition : le rossignol, joué par la flûte, la caille, jouée par le hautbois, et le coucou, joué par les clarinettes.
Le bref Scherzo évoque une fête populaire et paysanne. L’alternance entre les rythmes ternaire (trois croches par temps) et binaire (deux croches par temps) est d’ailleurs typique des danses folkloriques autrichiennes de l’époque. Le tempo s’accélère à la fin, passant d’allegro à presto avant d’enchaîner avec le mouvement suivant.
L’orage est le mouvement le plus agité de la symphonie. Il débute avec un grondement des violoncelles et des contrebasses, suivi par les premières gouttes de pluie jouées staccato aux violons. L’orage éclate, accentué par de grands roulements de timbales, qui apparaissent pour la première fois, ponctuant de coups de tonnerre une série d’éclairs joués aux violons. L’arrivée du piccolo évoque le hurlement du vent, puis les trombones font leur entrée avant que l’orchestre n’atteigne son paroxysme sonore. Une accalmie met fin à cette brève tempête qui s’enchaîne directement avec l’Allegretto final.
Un ranz de vaches – air populaire joué au cor par les bergers des Alpes – précède la mélodie qui jouera le rôle de refrain, soit le « chant des pâtres ». Le ranz de vaches reviendra également à plusieurs reprises, notamment à la toute fin de l’œuvre.