La Symphonie no 5 de Beethoven est vraisemblablement l’une des œuvres les plus célèbres de tout le répertoire classique. Sa composition s’étale sur plusieurs années et sur des idées que Beethoven esquisse dès 1795. Il en entame la composition dès 1805, après avoir achevé la Symphonie no 3 « Héroïque », puis s’interrompt en 1806 pour la réalisation d’une commande – la Symphonie no 4. Il se remet ensuite au travail et mène de front la composition de la Cinquième et de la Sixième. Au printemps 1808, la Symphonie no 5 est enfin terminée.
L’oeuvre est présentée au public de Vienne le 22 décembre 1808 au cours d’un concert-fleuve resté tristement célèbre pour ses ratés. Il y fait un froid glacial, la salle n’est pas chauffée et le programme est d’une durée de plus de quatre heures! Les auditeurs finissent par se lasser et la Cinquième symphonie passe plutôt inaperçue. Ce n’est à partir de 1810 qu’elle commence à susciter de l’intérêt, entre autres grâce à une critique élogieuse d’E.T.A. Hoffman dans son ouvrage La musique instrumentale de Beethoven.
Les anecdotes entourant cette mythique symphonie ne manquent pas. Goethe, après avoir entendu Mendelssohn en jouer une version pour piano, se serait écrié : « C’est très grand, c’est absolument fou! On aurait peur que la maison s’écroule! ». Durant la Seconde Guerre mondiale, la BBC utilise les quatre premières notes comme indicatif de ses émissions clandestines destinées aux Forces françaises de l’intérieur. En 1977, un enregistrement comprenant le premier mouvement de la Cinquième Symphonie est envoyé dans l’espace avec les sondes Voyager I et II.
La grande originalité de cette symphonie réside dans le motif initial composé de quatre notes toutes simples : trois notes brèves, suivies d’une note longue. La légende raconte que Beethoven aurait dit au sujet de ce motif : « Ainsi, le destin frappe à la porte. » L’étiquette de « motif du destin » est toutefois restée associée à cette cellule emblématique. Tel un véritable stratège musical, Beethoven développe et articule toute la symphonie autour de l’omniprésence de ce motif. Pendant les quatre mouvements de l’œuvre, le compositeur crée l’expression d’un conflit entre un élément extérieur – l’oppressant « motif du destin » – et l’être humain.
Comme dans la Symphonie no 3 « Héroïque », la structure est dirigée vers le dernier mouvement, pratique inhabituelle chez les symphonistes de l’époque, qui privilégiaient habituellement le premier. Cette trajectoire orientée vers la fin s’accompagne d’une progression de la tonalité de do mineur* vers celle de do majeur*. Encore une fois, il s’agit d’un geste contraire à ce que veut la tradition, soit une symphonie qui débute et se termine dans la même tonalité. Par sa progression tonale, la Symphonie no 5 incarne le cheminement des ténèbres vers la lumière, le triomphe de l’être humain sur son destin.
Afin de donner encore plus de poids à l’orchestre, Beethoven introduit dans le dernier mouvement des instruments jusqu’alors réservés à l’opéra et à la musique religieuse : la flûte piccolo, le contrebasson et les trombones.
Dans l’Allegro con brio initial, en mineur, le motif du destin revient plus de 250 fois! Après le tumulte du premier mouvement, l’Andante con moto apporte un certain répit. Sous forme de thème et variations, c’est le seul mouvement où le motif du destin n’est pas explicitement exposé. L’Allegro suivant est un scherzo où le motif réapparaît clairement dès les premières mesures. Un crescendo, soutenu par le roulement des timbales, débouche sur le mouvement final Allegro, enchaîné sans interruption. C’est dans ce chant de victoire que toutes les tensions accumulées depuis le début sont résolues. La symphonie, qui s’ouvrait dans la tonalité sombre de do mineur, se conclut dans la tonalité éclatante de do majeur. Le tempo s’accélère à la fin du mouvement, passant de piu allegro à presto, avant de culminer avec 29 accords de do majeur. Toute une conclusion!