Le 27 septembre 1892, à l’aube de prendre la direction du National Conservatory of Music of America, Antonín Dvořák débarque à New York avec toute sa famille. Le compositeur n’est pas un inconnu en Amérique, et la grande popularité dont jouit sa musique n’est pas étrangère à l’invitation qu’il a reçue. C’est lors de ce séjour de trois ans, au cours duquel Dvořák s’intéresse de près aux racines de la musique américaine, qu’il compose sa Symphonie no 9 en mi mineur, surnommée « du Nouveau Monde ».
Écrite entre janvier et mai 1893, elle est créée le 16 décembre au Carnegie Hall et accueillie de manière triomphale. Dans un article paru dans le New York Herald la veille du concert, le compositeur précise que les thèmes de sa symphonie sont originaux, mais qu’il s’est inspiré des musiques autochtones et afro-américaines qu’il a cependant traitées selon des procédés d’écriture traditionnels. On sait par ailleurs que Dvořák conçut un réel intérêt pour les spirituals après avoir entendu chanter un élève du Conservatoire, Harry T. Burleigh. Des lectures du poète Henry Longfellow, particulièrement Le Chant de Hiawatha, semblent également avoir exercé une certaine fascination sur lui.
Le premier mouvement commence par une brève introduction lente, dont le contour mélodique est caractéristique des œuvres américaines du maître. Le mouvement s’agite rapidement alors que le thème principal est énoncé par bribes avant d’éclater aux cuivres. Très marqué, son rythme syncopé* imprègne le mouvement d’un caractère trépidant proche de l’idée qu’on se fait des « Épopées de l’Ouest ». Deux autres idées musicales traversent cet Allegro molto, une danse proche de la polka qui débouche sur une mélodie qui évoque le spiritual « Swing Low, Sweet Chariot ».
L’admirable Largo qui suit compte parmi les plus touchantes et les plus reconnaissables réalisations du maître tchèque. Introduit par des accords mystérieux aux cuivres qui s’épanouissent en un choral*, le thème est ensuite chanté par le cor anglais sur le ton d’une vieille légende. Le caractère narratif de ce mouvement, illustré par des épisodes contrastés, semble se faire l’écho du texte de Longfellow qui l’a inspiré.
Marqué Molto vivace, le scherzo évoque une danse autochtone traditionnelle dans la forêt. Son thème répétitif et sa vigueur rythmique contribuent certainement à en donner l’image, et ce, malgré une coupe assez classique proche de Beethoven. Sa partie centrale, baignée d’un irrésistible parfum d’Europe centrale, nous transporte quant à elle sur les bords du Danube.
Enfin, le Finale, très énergique, propose une conclusion épique à ce périple dans le Nouveau Monde. Son thème est tout d’abord énoncé par les cuivres, puis repris par les cordes. Une deuxième idée, tendrement chantée par la clarinette et commentée par les violoncelles, offre un moment d’accalmie dans l’activité trépidante. Plusieurs thèmes entendus précédemment font leur apparition, tant dans le développement que dans la coda du mouvement, le menant à une conclusion triomphale.