Une première danse enivrante pour l’OM à Vienne
Pour son tout premier concert au Konzerthaus de Vienne, l’OM avait choisi judicieusement l’œuvre qui ferait office de présentation. Quoi de plus magique, en effet, que de jouer une valse dans la capitale mondiale de cette danse? Et pas n’importe laquelle : La Valse de Ravel, une œuvre aux racines francophones qui entre en résonance avec l’identité de l’OM.
Dès les premières notes, le concert a pris des allures de première rencontre entre deux jeunes gens… et ce fut, sans aucun doute, un coup de foudre. L’amour entre l’OM et le public viennois a été immédiat.
Fait intéressant, deux autres danses attendaient les spectateurs au cours du programme. D’abord, la tarentelle effrénée du deuxième mouvement du Concerto pour piano no 2 de Saint-Saëns. Avec son caractère espiègle et son humour assumé, cet Allegro scherzando a déclenché sourires… et même quelques rires spontanés dans la salle, tant sa fin a surpris et amusé.
Devant une foule conquise, qui a aussitôt réclamé un rappel, Alexandre Kantorow est revenu au piano pour offrir un moment tout en délicatesse : un lied de Schubert, figure tutélaire de la musique viennoise, né et mort dans cette même ville. Une offrande simple, pleine de grâce, qui a renforcé le lien entre soliste, public et lieu.
La deuxième partie du programme comprenait une autre danse — mais d’un tout autre genre. La Symphonie « Pathétique » de Tchaïkovski contient, au deuxième mouvement, une valse d’apparence joyeuse et élégante, qui tranche avec la douleur et la mélancolie des autres mouvements. Mais cette valse n’en est pas tout à fait une : écrite en 5/4 plutôt qu’en 3/4, elle crée une instabilité rythmique, une impression de déséquilibre, comme si les danseurs trébuchaient à chaque tour.
Au-delà de cette grâce trouble, c’est surtout l’émotion qui a marqué cette interprétation de l’OM. La « Pathétique » a été livrée avec une intensité telle qu’un long silence a suivi le dernier accord, un silence presque sacré, que le public n’a osé briser qu’au moment où Yannick Nézet-Séguin s’est retourné vers la salle. Comme si toute l’audience avait retenu son souffle jusqu’à ce signal discret.
Puis ont éclaté les applaudissements — puissants, sincères — et l’ovation debout qui a scellé cette toute nouvelle union entre Vienne et l’OM. Les musiciens et musiciennes, profondément émus par l’accueil reçu dans cette salle prestigieuse, ont ressenti un coup de cœur instantané pour la ville, la salle… et surtout son public.
Et à ce moment-là, ils ont su que cet amour était partagé.