Très doué dès son jeune âge, Samuel Barber reçoit ses premiers rudiments de piano de sa mère, tandis sa tante Louise Homer, contralto au Metropolitan Opera, éveille son goût pour la musique vocale, à laquelle il consacrera près des deux tiers de sa production. Élève au Curtis Institute de Philadelphie, où il étudie le chant, la composition et la direction d’orchestre, lauréat de nombreuses distinctions, il fera une brillante carrière tant en Europe que dans son pays natal, en cultivant un « élégant néoromantisme » (Virgil Thomson). Malgré ses quelques incursions dans le dodécaphonisme et la polytonalité, son écriture, en effet, reste « élégiaque, lyrique et raffinée » (Marc Honegger), sans reculer toutefois devant les dissonances, et contrairement à ses compatriotes Bernstein, Copland ou Florence Price, il n’intégrera pas dans ses compositions d’éléments typiquement américains, issus du folklore ou du jazz.
Parmi ses quelques œuvres scéniques, on doit à Barber deux opéras, dont le premier, Vanessa, lui vaut en 1958 un Prix Pulitzer. Puis, il reçoit la commande d’un second opéra pour inaugurer, en 1966, la nouvelle salle du Metropolitan Opera au Lincoln Center de New York. Ce sera Antony and Cleopatra, sur un livret de Franco Zeffirelli constitué d’un choix parmi les vers de la tragédie éponyme de Shakespeare.
Malgré la présence de Leontyne Price dans le rôle de Cléopâtre, la création, dans une mise en scène de Zeffirelli, fut fort mal reçue et, avec ses centaines de figurants et ses animaux vivants, jugée vulgaire et extravagante. Mais le New York Times précisa que « la partition de M. Barber, qui nous est devenue familière par la suite, a été en grande partie la victime innocente de ce total fiasco ». Barber en fut très affecté et remit l’opéra sur le métier, avec l’aide de son compagnon, Gian Carlo Menotti, pour le présenter de nouveau en 1975.
À la mort de César, Marc-Antoine hérite de l’Égypte et la reine Cléopâtre et lui tombent amoureux l’un de l’autre. Mais son rival, Octave Auguste, le force, pour renforcer leur lien, à épouser sa sœur Octavie, puis entre en guerre contre l’Égypte – il en pince lui aussi pour Cléopâtre. Vaincu, Marc-Antoine s’enlève la vie et, dans la grande scène finale, la reine le rejoint dans la mort en se faisant piquer par un aspic. Dans un climat où alternent angoisse et apaisement, Cléopâtre, en habits royaux, se parle à haute voix tandis que ses suivantes lui présentent le panier qui contient le serpent dont elle cherche la morsure mortelle. La musique, intense et dramatique, exprime à merveille, dans une orchestration somptueuse, tous les sentiments qui traversent l’esprit et le cœur de la souveraine avant de rendre son dernier souffle.