Carmina Burana, version pour chœur, 2 pianos et percussions

Orff

1895 – 1982

C’est le titre donné par le bibliothécaire de la cour de Munich aux deux cents chants rassemblés dans un manuscrit du XIIIème siècle découvert, en 1803, au couvent de Benediktbeuren, dans le Tyrol. Ces textes en bas latin, en moyen haut allemand et en vieux français, ainsi quʹun certain nombre de strophes réunissant ces différentes langues, célèbrent avec verdeur et sensualité le plaisir de manger, de boire, de jouer et dʹaimer.

Carl Orff fut enthousiasmé par la lecture de ces poèmes dont « le rythme entraînant et le caractère imagé de ces poèmes, et tout autant la musicalité riche en voyelles et la concision unique de la langue latine » lui inspire une musique qui rencontrera, dès sa création en 1937, un grand succès.

Les vingt‐quatre chants de la cantate encadrés par une invocation à Fortuna, déesse de la destinée et de la chance, sont organisés en trois grands complexes thématiques : le printemps, la taverne et lʹamour, qui sont les thèmes favoris des goliards et des vagants, clercs restés laïcs et qui, ayant partagé les bancs des facultés avec les prêtres, connaissent parfaitement la littérature latine en vogue aux XIème et XIIème siècles.

La gaieté bucolique du printemps est évoquée dans lʹunisson dʹune litanie, avant lʹappel joyeux de lʹamour lancé par des cloches carillonnantes. Avec son duo de flûte et de timbales, la danse orchestrale Uf dem Anger renoue avec un ancien usage populaire de Bavière, avant la plainte des jeunes filles en moyen‐haut allemand mâtiné de bas latin, Floret silva nobilis. Leur coquetterie dans Chramer, gip die Varwe mir ne suscite chez les hommes qu’elles veulent aguicher par un savant maquillage que des commentaires narquois. Leur dialogue cède ensuite la place à lʹinvocation bachique à la reine dʹAngleterre, sans doute Aliénor dʹAquitaine, épouse du roi Henri II Plantagenêt, et initiatrice d’une des cours les plus célèbres de l’époque courtoise. L’esprit théâtral de la deuxième partie de lʹœuvre, intitulée In Taberna, à la taverne, est incontestable : elle débute par une confession satirique et, avec un plaisir effréné, professe la pravitas, la dépravation. La voix de fausset du cygne qui rôtit dans la poêle offre une parodie du ténor buffo ; puis, dans un discours dʹivrogne, le saint patron du jeu de dés se présente, et se proclame abbé du pays de Cocagne ; cette scène de ripailles culmine dans un chœur dʹhommes entraînant, qui célèbre le plaisir de boire dans une exubérance orgiaque.

Dans la troisième partie, la Cour dʹamours, alternent et se mélangent lʹinnocence feinte et le raffinement, la plainte amoureuse et la quête de lʹamour, tandis que Si puer cum puellula, poème érotique et cru, chanté a capella par les hommes, précède In trutina, le tendre aveu amoureux de la dame à son chevalier. Lʹhymne à Hélène et à Vénus se termine sur la reprise du vigoureux chœur initial, construit sur un ostinato. Cette répétition symbolise la roue du destin qui tourne sur elle‐même ; Orff lʹavait découverte sous forme de miniature dans le recueil des Carmina Burana.

D’après un article d’Uwe Kraemer traduit par Odile Demange.