Nachtgesang im Walde, pour chœur d’hommes et quatre cors

Schubert

1797 – 1828

Parmi tous les thèmes relatifs à la nature qui inspirèrent les Romantiques, celui de la nuit trouve une place de choix. La singulière quiétude de la forêt et son obscurité transpercée par la lumière laiteuse des rayons de la lune jouant sur les feuillages ouvrent la porte à un univers de mystère et suscitent des émotions rares, entre frayeur et sérénité, d’où l’amour, bien sûr, n’est pas absent.

En 1827, sur un texte de Johann Gabriel Seidl, Schubert compose le lied choral Nachtgesang im Walde (Chant nocturne dans la forêt) à la demande de Josef Eduard Lewy, corniste à Vienne dans l’orchestre du théâtre de la Porte de Carinthie, et l’œuvre sera chantée en avril lors d’un concert donné au profit de son commanditaire – avant d’être publiée à titre posthume comme partie de l’Opus 139.

Moins connu que ses ultimes et bouleversants chefs-d’œuvre, le Nachtgesang im Walde, avec son climat parfaitement romantique, prend sa juste place parmi les dernières œuvres du maître, bien qu’il ne témoigne en rien de la fin douloureuse de sa courte existence. Ici, comme dans le lied Zum Rundetanz, la nuit n’est pas source d’inquiétude. Il s’agit, en effet, « d’un hymne fervent et lumineux pour célébrer la nuit bienheureuse, une nuit qui ignore la terreur des ténèbres » (Brigitte Massin). Prévu pour chœur de voix d’hommes et quatre cors, instrument évocateur du plein air et de la chasse, il s’en dégage une somptueuse impression de vastitude et de confiance. Avec des effets d’écho et usant des motifs de triolets qui leur sont associés depuis le siècle précédent, les cors emportent le mouvement, alternant avec les voix dans de nombreux changements de rythme et de tempo. L’écriture chorale est homophone tout du long mais table sur des contrastes dynamiques affirmés. Nous sommes ici en présence d’« un sommet dans l’œuvre de Schubert, qui allie la grandeur au mystère et la tendresse à la pureté » (Marcel Schneider).

© François Filiatrault 2023